Tout ce que j'écoute - ÉDITION MÉNAGE
Je suis un peu dans le jus cette semaine alors voici un nouveau format de type "à utiliser quand chu dans l'jus"
De temps en temps, je dois faire le ménage dans mes disques pour : a) libérer de la place et b) libérer quelques écus afin de pouvoir acheter plus de disques. Comme j’ai écouté TOUS mes disques (plus de 3000) pendant le confinement, je pensais vraiment avoir réussi à rendre ça all-killer no-filler, mais force est d’admettre qu’à presque toutes les fois que je me promène dans les rayons, je tombe sur quelque chose qui me rend perplexe. Le plus souvent, je me dis simplement « j’ai dû aimer ça, puisqu’il est encore ici » et je le laisse là. Tant qu’à faire cet exercice chaque semaine, je me suis dit que je pouvais joindre l’utile à l’inutile et faire un genre de Tout ce que j’écoute format BLITZ dans lequel je décide si je garde tel détritus de ma collection.
Keith Allison —In Action
Keith Allison était un membre du groupe Paul Revere and the Raiders, acceptable groupe de rock garage qui commença vraiment à faire du bon stock au tournant des années 70. Je pense que j’ai pogné In Action après avoir entendu leur album Collage et fait des recherches pour trouver ce qui ressemblerait le plus à ça dans leur œuvre. En 1965, Allison animait un genre de Jeunesse d’aujourd’hui sur ABC, gig qu’il a eu exclusivement parce que quelqu’un trouvait qu’il ressemblait à Paul McCartney. In Action est donc un disque qui a été créé pour profiter de sa popularité avec les jeunes demoiselles qui regardaient cette émission.
Étrangement, il y a plusieurs reprises de Paul Revere and the Raiders sur In Action, même si Allison allait seulement se joindre à eux une année plus tard. Il n’y a, en fait, que des reprises là-dessus : de Ray Charles, de Donovan, des Monkees, des Fabulous Knickerbockers et ainsi de suite. C’est correct, sans plus ; disons que le manque de chansons originales et le besoin de plaire au public de « teeny-boppers » laissent peu de place à l’originalité, même si le tout est très bien monté et livré.
Verdict ? BYE.
National Wake — Walk in Africa 1979 — 1981
Il fut un temps où l’étiquette Light in the Attic avait pas mal une fiche parfaite au niveau des redécouvertes musicales. Chaque sortie sur leur label — Wayne McGhie, Karen Dalton, Rodriguez, Jim Sullivan, The Free Design — venait avec une pelletée de hype, de placements média, de documentaires, et ainsi de suite. Si l’artiste était encore en vie, c’était certain qu’une genre de mini-tournée se préparait. Certains collectionneurs levaient le nez là-dessus parce que leur Karen Dalton, ils l’avaient pogné pour cinquante cennes en 1999, mais c’était généralement une force pour le bien et un curateur respecté.
Light in the Attic est encore une bonne étiquette, mais leurs sorties sont beaucoup plus ésotériques maintenant, et leur influence est considérablement plus diffuse qu’elle l’était il y a 10 - 15 ans, compétition oblige. (Ça en dit beaucoup que leur discographie sur Wikipédia s’arrête en 2011.) Je me souviens, en fait, de la première fois où j’ai été vaguement déçu d’une parution chez LITA : Walk in Africa 1979 - 1981, une rétrospective du groupe punk sud-africain National Wake. Il va sans dire que le punk sud-africain, ce n’est pas commun ; il va aussi sans dire que National Wake, ce n’est pas vraiment du punk. Ça sonne beaucoup plus comme The Police qu’autre chose, un hybride de reggae et de new wave fort correct, mais pas exactement ce qui est annoncé. Quelques tracks sont plus punk en surface, mais en même temps, elles sonnent aussi comme du Eddie and the Hot Rods — du pub rock agressif.
C’est surtout ça qui m’a déçu — ça, et le fait que le disque de National Wake est paru sur WEA International en Angleterre et est donc pas mal moins obscur que ce qu’on m’avait fait croire. On parlait beaucoup des racines révolutionnaires de National Wake — un groupe composé de musiciens blancs et de musiciens noirs pendant l’Apartheid — mais la musique elle-même est un peu le contraire de révolutionnaire. Il y a quelques bonnes tounes enregistrées en concert à la fin du disque, mais le son est malheureusement plutôt désagréable. Autant que j’apprécie le travail de curation et la découverte, autant que je n’ai jamais eu de désir particulier de faire jouer National Wake autre que pour me rappeler que ça existe. C’est un groupe sans doute important dans l’histoire de la musique africaine, mais pas vraiment un groupe important dans l’histoire de la musique que ça me tente d’écouter.
Pour cette raison, mon verdict est BYE.
Appaloosa — Appaloosa
Appaloosa est un groupe vaguement folk-rock aux tendances feutrées/baroques qui sortit un seul et unique album sur Columbia en 1969. C’était des protégés d’Al Kooper, le musicien de studio et bluesman qui, pour moi, va toujours rester le gars qui joue l’orgue sur Like A Rolling Stone de manière tellement spécifique que j’entends constamment du monde faire du Like A Rolling Stone, partout, tout le temps. Je ne crois pas qu’Appaloosa ait connu un grand succès à sa sortie, quoique ce n’est pas tellement rare d’en voir dans les magasins américains. Je crois bien que je l’ai acheté à cause de la connexion avec Compton & Batteau, duo de folk rock ayant fait un album quelques années plus tard fort affectionné par mon père. (On reviendra sur Compton & Batteau dans un vrai Tout ce que j’écoute.)
Bien que la pochette suggère quelque chose de rootsy à la The Band, Appaloosa est beaucoup plus baroque et fragile que ça, porté surtout par le violon de Robin Batteau (je suis au courant que c’est un violoncelle sur le cover, mais je vous assure qu’il joue du violon sur le disque), les vocalises pastorales à la Donovan et des pointes de saxophone et de harpsichord électrique. C’est du psych acoustique de frou-frou, un style que je trouve parfois gossant, mais que je dois admettre m’a quand même flatté dans le sens du poil à cette écoute. À une époque où j’avais absolument besoin que la musique psychédélique bûche, ça n’aurait probablement pas passé au conseil, mais j’ai trouvé l’expérience bien plaisante.
(Je dois cependant noter que les bruits de goélands sur le fade-out, c’est non.)
(Je dois aussi noter que les paroles suivantes : Living's not easy now that you're gone / Colors from our pictures have withdrawn / Would you like to listen to old folk-baroque / Smile at your friends knowing they that don't smoke / But what's the fried egg without its own yolk, c’est également non.)
Verdict ? REBIENVENUE CHEZ VOUS, MAIS WATCH-TOÉ QUAND MÊME AVEC TES BRUITS DE GOÉLANDS.
Artful Dodger - Artful Dodger
J’ai eu toute une passe power-pop à moment donné ; je continue d’être pas mal un power-pop boy avec les gros riffs pis les harmonies, mais je me suis souvent également brûlé sur ce terme galvaudé souvent appliqué à des affaires qui ont vraiment juste semi-rapport. En gros, le terme power-pop veut dire du rock inspiré par le son des groupes pré-psychédéliques comme les Beatles ou les Who. Autrement dit, des gros riffs chunky joyeux, des harmonies vocales et plus souvent qu’autre chose des sujets de tounes relativement insignifiantes : la danse, les filles, les chars, etc.1 Le power-pop existe encore et il est souvent intégré à des affaires de manière quasiment automatique, ce qui n’aide pas à dé-galvauder la patente ; certains considèrent, mettons, Blink-182 du power-pop. (Leur cover de Another Girl, Another Planet est du power-pop ; le reste… mneh.) Le power pop change et s’adapte avec le temps ; même One Direction ont fait du power-pop, ce qui me cause à des fois écouter du One Direction.
Les figures de proue du power-pop — ou du moins de cette première vague — sont Badfinger, The Raspberries, Cheap Trick et The Knack… mais en dessous de cette croûte, il y a tellement de groupes de rock des années 70s qui ont existé un peu dans un néant flou. Artful Dodger fait partie de ceux-là. Je dois dire que, à part l’absence d’un gros simple emblématique qui devient un ver d’oreille obsédant, Artful Dodger fait du bon power-pop mi-70s. Ils ont plus un son que des tounes, si cela fait du sens, mais le fait que ce n’est pas aussi léché que certains de leurs contemporains les place plus dans une catégorie qui contient également Big Star, le band le moins léché du mouvement entier. C’est le fun. J’aime ça.
Verdict ? REBIENVENUE CHEZ VOUS.
Earth Dies Burning - Songs From The Valley of the Bored Teenager
Earth Dies Burning est un groupe punk formé en 1981 à Californie, alors que leurs membres avaient quelque chose comme 13 ans. (Apparemment, il y en avait un qui avait DIX ANS.) Ils étaient trop pauvres pour s’acheter un vrai setup de punk (basse — guitare — batterie) alors ils se sont rabattus sur des synthétiseurs cheaps. Le synth-punk existait quand même un peu à l’époque — on pense aux Screamers et évidemment à Suicide — mais ça devait détonner d’aller à un show des Minutemen et faire face à des petits flos qui crient en pitonnant des Casios.
Songs from the Valley of the Bored Teenager a donc une valeur certaine en tant que document d’une scène, mais en tant que chose que j’ai le goût d’écouter régulièrement, je suis moins convaincu. Le son est extrêmement canisse et les chansons se suivent et se ressemblent énormément ; elles sont presque toujours empreintes du genre d’edgelordisme propre à des punks de treize ans, mettons. (« It’s so hard to be young / Everybody treats you like doggie dung / Why do I have to go through this? / I guess it’s because the world’s full of piss!”) La première fois c’est quand même amusant, mais je me vois difficilement dans le mood d’écouter ça.
Verdict ? BYE.
Joe Ely — Honky Tonk Masquerade
Joe Ely a fait la première partie de The Clash à moment donné, ce qui l’a essentiellement stallé dans mon cerveau comme étant quelqu’un de cool et de valide. Ceci est probablement vrai, mais je n’écoute jamais, jamais de Joe Ely ; je me contente de regarder le disque sur mon étagère et de penser « hey, il a ouvert pour The Clash ! ». Honky Tonk Masquerade est un disque extrêmement bien coté par les critiques musicales ; il est sur une shitload de listes et autres palmarès de gens qui tombent des nues de son mélange de country et de rock.
Commençons par mettre quelque chose au clair — s’il est question de country-rock ici, c’est du country-rock qui n’a pas grand-chose à voir avec Sweetheart of the Rodeo, Neil Young et Uncle Tupelo. C’est plus l’ancêtre de Steve Earle et de sa gang ; Joe Ely fait du country, mais il existe dans un monde où le rock est indéniablement une force culturelle plus forte et omniprésente. Il ne fait pas du throwback ou même une fusion des deux styles ; ils sont indissociables.
Des fois, ça gosse un brin — il y a des accents de zydeco qui sont accomplis à l’aide de synthétiseurs pas très convaincants — mais force est d’admettre que Joe Ely écrit vraiment de bonnes tounes (il joue aussi quelques tounes coécrites par les membres de son groupe The Flatlanders) et qu’ayant été enregistré en 1978 plutôt qu’en 1984, Honky Tonk Masquerade n’est pas beurré de fioritures léchées de studio. Tout le country mainstream allait essentiellement sonner comme une version de ça quelques années plus tard… et c’est peut-être là que je suis moins prêt à embarquer.
Verdict ? REBIENVENUE CHEZ VOUS.
Fucked Up - David’s Town - 11 Original Hits From Brysdale Spa, UK
En prévision de la sortie de l’album David Comes To Life en 2011, Fucked Up fait paraître cette fausse compilation dans le style des compils régionales de garage et/ou punk populaires à la fin des années 70 jusqu’aux années 80. Techniquement, chaque piste est par un groupe différent, mais chaque groupe est en fait Fucked Up sous pseudonyme. C’était une sortie Record Store Day à l’époque où ceci voulait dire quelque chose (joke, ça n’a jamais vraiment voulu dire quoi que ce soit) et où j’étais très fan de Fucked Up. Je trouve encore The Clarity of Common Life très bon, mais à chaque fois que j’écoute un nouveau disque de Fucked Up, ça sonne exactement comme un vieux disque de Fucked Up, ce qui est à la fois réconfortant pour les vieux punks pu tant aventureux et tout de même rébarbatif pour moi, qui ne vais jamais mourir.
Ce qui est bien avec cette compil, c’est que les tounes ne sonnent pas toutes comme du Fucked Up ; ce qui est moins bien, c’est que les tounes ne sonnent pas vraiment comme quoi que ce soit. Tant qu’à faire ce concept, ce serait plus intéressant de parodier des styles ou des groupes spécifiques. Il y a un peu de ça, mais il y a surtout beaucoup de remplissage et de zigonnage à moitié convaincu. Le concept est cool, mais encore une fois, je ne pense pas avoir un énorme désir d’écouter ça en particulier quand le désir d’écouter du Fucked Up en général se fait de plus en plus rare.
Verdict ? BYE.
Dave and Phil Alvin — Common Ground : Dave Alvin and Phil Alvin Play and Sing the Songs of Big Bill Broonzy
Je sais que ça peut sembler ridicule maintenant, mais il y avait un temps où c’était possible d’obtenir des disques neufs pour 10 $ — des disques qui n’étaient même pas de la maudite scrap dont personne ne veut. J’ai pogné Common Ground : Dave Alvin and Phil Alvin Play and Sing the Songs of Big Bill Broonzy pour cette somme lors d’une vente du label Yep Roc, vente dans laquelle je voulais principalement pogner un disque de Nick Lowe et un disque de Robyn Hitchcock, mais qu’il n’y avait pratiquement pas de différence sur les frais de port si j’en prenais deux autres. J’ai donc opté pour ceci et pour un disque de Ian McLagan qui a déjà été victime d’un ménage auparavant. Il faut dire que bien que je n’ai aucun problème avec Big Bill Broonzy ou avec les deux frères Alvin (qui étaient dans le groupe de punk-blues The Blasters dans les années 80), je regarde souvent ceci dans les rayons en me demandant pourquoi il est encore là.
La raison, c’est que c’est en fait plutôt bon ! Big Bill Broonzy est un bluesman actif des années 20 aux années 50 qui est l’un des piliers du son « folk-blues » qui mena éventuellement au folk revival du début des années 60. L’influence de Big Bill Broonzy est plus sournoise que celle de, genre, Robert Johnson parce qu’il n’a pas vraiment teinté le son des blues rockers comme Led Zeppelin, mais on retrouve du Big Bill Broonzy dans l’œuvre de Townes van Zandt, Lucinda Williams, Doc Watson, Justin Townes Earle, John Hammond, Eric Clapton, les Faces, etc. Plus ton blues s’éloigne du son du Bistro à Jojo, plus ça s’apparente à du Big Bill Broonzy.
Les frères Alvin, donc, explorent le catalogue de Broonzy sans trop s’étaler et sans trop sonner comme s’ils répondent à l’appel lointain d’un gig mensuel au Bistro à Jojo. La pochette rappelle vaguement l’époque où il y avait des CDs au comptoir du Starbucks, ce qui me donne rarement le goût de le mettre, mais va falloir que je m’habitue parce que…
Verdict ? REBIENVENUE CHEZ VOUS.
Si vous avez un toupet carré et n’êtes pas d’accord avec cette définition, prière d’envoyer vos plaintes à la Sûreté du Québec, genre.