Tout ce que j'écoute 10/8/2023
Franglais mal maîtrisé, campagnes de sociofinancement et cornemuses
Comme l’infolettre a reçu beaucoup d’attention dans la dernière semaine (merci bien à Olivier Niquet et Jean-François Provençal pour les mentions!), je me permets de plugger quelques autres projets ici!
Les voyeurs de vues, c’est le podcast de cinéma hebdomadaire que je coanime avec Yannick Belzil. Parfois des nouveautés, parfois pas. Un film québécois chaque semaine. Des invités parfois. Plus de contenu de Ben Affleck qu’escompté.
J’anime également des jeux-questionnaires mensuels au Cinéma Moderne (en pause pour l’été, mais de retour dès le 13 septembre) avec le susmentionné Yannick et Mathieu Poirier ainsi qu’au brouepub de l’Espace Public (3632 rue Ontario E.) tous les derniers dimanches du mois!
Je partage aussi des découpures loufoques de journaux sur Facebook et Instagram de manière semi-régulière.
Mdou Moctar — Afrique Victime
La première fois que j’ai vu Mdou Moctar en concert, c’était en juillet 2019 à la Sala Rossa. Je connaissais très peu son œuvre — en fait, je ne connaissais que son Blue Stage Sessions, ayant totalement manqué le bateau sur le phénomène Music From Saharan Cellphones et ses premiers albums. (Ce n’est pas clair si Mdou Moctar c’est le nom du band ou le nom d’artiste du dude; son vrai nom c’est Mahamadou Souleymane, ce qui, selon ce que je comprends, est genre comme s’appeler Jean-François Tremblay. Il se fait toujours appeler Mdou, mais des fois le band entier se fait appeler de même, ce qui suggère une situation de type Alice Cooper.)
Avant d’entendre Blue Stage Sessions, je le plaçais pas mal dans la même catégorie que Bombino et Tinariwen — super le fun, ben intéressant, mais vite redondant. Le desert blues ou le blues touareg, c’est absolument incroyable la première fois que tu l’entends, mais tu te rends vite compte que les possibilités du genre sont assez limitées. Reste que c’est à cent mille lieues des clichés du worldbeat des années 90 qu’on pourrait flairer à premier lieu; s’il y a inévitablement un certain exotisme latent quand des publics nord-américains paient pour entendre des nomades du désert jouer de la guit, la puissance de la musique et son universalité est indéniable. Tout le monde aime ça, quelqu’un qui torche à la guit.
Mais je n’étais pas prêt pour le niveau de horniness engendré par Mdou Moctar.
Sur l’album, on entend très bien que c’est un virtuose; les lignes de guitare sonnent liquides, huileuses, prêtes à se faufiler partout. Le rythme est rigide, mais il ne l’est pas. Les comparaisons avec Hendrix (parce qu’il est gaucher, parce qu’il est noir, parce qu’il porte souvent du mauve) sont omniprésentes, mais elles ne représentent pas vraiment la réalité totale de Mdou Moctar. Sa performance vocale est assez traditionnelle, voire même un peu pincée sur disque, en contraste total avec l’espèce de motorik saharien en arrière-plan. On va se le dire, Mdou Moctar ne serait pas mis en valeur en faisant un disque de reprises du Great American Songbook.
Mais quand je l’ai vu en juillet 2019, avant que tout chie partout sur la terre, avant que je me fasse frapper par un char à quelques coins de rue de là et que ma vie prenne tout un tournant, ce que j’ai constaté, c’était une énergie pas tout à fait sexuelle, mais définitivement horny. C’est quelque chose que je n’ai jamais vraiment vu dans un concert avant ou après; j’ai vu plein de bons concerts, j’ai vu de meilleurs concerts que celui-là, même… mais je n’ai jamais vraiment vécu un show où les gens étaient simplement en transe quasi sexuelle.
Bon, il faut dire que Moctar lui-même est assez beau et charismatique sur scène, ce qui explique sans doute la réaction de niveau enterrement-de-vie-de-jeune-fille des quatre femmes à ma gauche lors du concert de 2019, mais il reste que j’ai rarement vu un effet de foule aussi uniforme. Il joue tout en ne faisant pratiquement rien; on dirait quasiment que sa guitare fonctionne de manière opposée à ce que je comprends du fonctionnement d’une guitare. Le batteur fesse tellement fort que ça te résonne dans les genoux. Moctar descend dans la foule et remonte comme par magie, sans aucun effort.
J’ai acheté son album Ilhana : The Creator, pis là, la pandémie est arrivée, avec tout ce qu’on sait. Il a fait paraître Afrique Victime dans le milieu de tout ça. Il est revenu une autre fois en première partie de Parquet Courts où, on me dit, il a tout arraché de manière à ce que Parquet Courts étaient incapable de suivre ça. Il est finalement revenu il y a deux semaines, j’y suis allé, et la même affaire est arrivée : la salle était horny.
Vous vous dites sans doute « mais, crisse, là, tu parles juste de l’avoir vu en show, tu ne parles presque pas de l’album, c’est Tout ce que j’écoute le nom de st’estie d’infolettre là, il me semble! » et vous n’avez pas tort. J’ai écrit le titre de l’album en haut ici parce que c’est ça le format de l’infolettre, mais ce n’est pas tant de l’album dont je veux parler. (L’album est vraiment bon, allez l’écouter!) C’est que le 26 juillet, le jour même du show au Théâtre Fairmount où, tout souriant, Mdou Moctar a tout arraché sans avoir l’air de forcer pour une seule seconde, il y a eu une tentative de putsch dans son Niger natal. Depuis ce temps, le band entier est pogné aux États-Unis sans aucune façon de revenir et sans aucune idée de ce qui va se passer. Moctar est très vocal lorsqu’il fait des entrevues que son seul but dans tout ça, c’est d’améliorer la vie de sa famille et de son village… pis là, ben, ça risque d’être plus compliqué.
Il y a un GoFundMe de parti pour aider le groupe pendant qu’ils ne peuvent pas retourner chez eux. Habituellement, je ne suis pas très « partager des GoFundMe », mais de savoir que Moctar a joué ce show complètement débile d’une intensité peu commune alors qu’il venait d’apprendre ça — ou qu’il était peut-être sur le bord de l’apprendre — m’a fait de quoi. Ça m’étonnerait en maudit que vous appreniez l’existence de ce band et que vous alliez leur donner 10 $ juste parce que vous l’avez lu ici, mais, tsé.
Au pire, venez les voir la prochaine fois. C’est quelque chose.
Si vous aimez : Tinariwen, Bombino, Black Tenere de Kel Assouf, Prince, Wood/Metal/Plastic Pattern/Rhythm/Rock de 75 Dollar Bill, Band of Gypsys de Jimi Hendrix, statistiquement parlant, probablement au moins un album de King Gizzard and the Wizard Lizard
Où t’as pris ça?
Je l’ai pogné au Vacarme en pleine pandémie; je m’en souviens très bien parce que j’ai croisé mon ami Ralph à Berri-UQAM en revenant pis on avait tous les deux des masques dans la face.
C’est-tu sur Spotify?
Vas-tu le garder?
GEZAN with Million Wish Collective — Anochi
Par où commencer?
Je ne connaissais pas GEZAN avant cet album, mais le peu que j’ai entendu a un peu une vibe post-hardcore à la Dismemberment Plan ou même Thrice. Ils ont un album produit par Steve Albini et comptent parmi leurs fans Makoto Kawabata d’Acid Mothers Temple, Agata de Melt-Banana et Merzbow. Ils sont parfois comparés aux Boredoms, quoique… GEZAN reste pas mal sa propre affaire. C’est le genre de groupe où t’entends clairement les influences, mais que c’est assez hasardeux d’assumer que quelqu’un qui aime ces bands-là va aussi aimer GEZAN. C’est un band de Suoni per il Popolo avec des influences du Rockfest de Montebello.
Y’a pas de beuglage du démon à l’avant — plan — le chanteur principal a plutôt une voix aiguë et nasillarde qui verse parfois dans le Gollum — mais les mélodies me sont très familières de mon adolescence, mettons. Une autre influence serait peut-être The Mars Volta ou encore, pour rester au Japon, Number Girl. Bref, pas vraiment le genre de chose qui m’interpelle en 2023 en dépit de leur popularité marginale au Japon. Sur Anochi, par contre, le groupe (qui se joint à Million Wish Collective, mais je n’ai pas la moindre idée c’est quoi) découvre quelques nouvelles affaires : les rythmes tribals et la cornemuse.
Alors voici le mieux que je puisse faire pour vous résumer ça en termes que vous connaissez : imaginez, mettons, Rage Against the Machine pis Refused, mais avec beaucoup plus de drogues hallucinogènes, des cornemuses, des comptines, du dub, des chants tribals, du spoken word, des vibes Scandinaves battées, du noise, des bruits de mastication de chips, et du free jazz. De plus, ils portent des costumes élaborés de type… comme ça :
Parfois naïvement engagés (il y a une toune de neuf secondes qui est juste « fight war, not wars ») et faisant souvent preuve d’un cynisme désabusé (il y a une toune qui s’appelle We Were The World!), GEZAN ont une approche assez kaléidoscopique au punk engagé, mettons. C’est psychédélique dans son esthétique, mais assez pop dans ses mélodies — sauf que ça devient du free jazz de cornemuse. Souvent quand je lis des vieux « record collector guide » et autres ouvrages de référence du genre, on note souvent les albums sur leur constance. Est-ce que chaque toune sonne pareil? Est-ce que le son est uniforme? Si je cherche du blues rock, est-ce que ceci livre véritablement 9 pistes de blues rock selon la convenance? Anochi serait donc un mauvais achat selon ces métriques-là. C’est assez éparpillé et éclectique, mais dans tellement de directions disparates que chaque écoute réserve des surprises. À ce niveau-là, Anochi est un triomphe au même titre que Gotta Go For It! ou Trout Mask Replica — ce n’est peut-être pas facile d’approche, mais il y a des récompenses si jamais tu décides de t’approcher.
Il fallait ben un Trout Mask Replica pour les gens qui se tenaient, genre, au Balafré.
Si vous aimez : De-Loused in the Comatorium de The Mars Volta, Requiem de Goat, The Shape of Punk to Come de Refused, Re-Creation of the Gods de Rufus Harley, 13-Point Program to Destroy America de Nation of Ulysses, The Oracle de Angel Bat-Dawid, Your Queen is a Reptile de Sons of Kemet, School Girl Distortional Addict de Number Girl, Rain Dogs de Tom Waits, tsé, une sélection totalement normale et uniforme
Où t’as pris ça?
Je l’ai écouté sur Spotify, mais j’avoue que je ne sais pas exactement comment je suis tombé là-dessus.
C’est-tu sur Spotify?
Vas-tu l’acheter?
Au moment de commencer à écrire ces lignes, je ne l’avais pas, parce que tout ce que je trouvais comme source était ridiculement hors de prix — mais finalement j’ai trouvé un magasin de Tokyo sur eBay qui l’avait à un prix normal. Il s’en vient!
Sandie Shaw — Reviewing the Situation
Il n’existe pas un seul artiste de musique quétaine qui n’a pas au moins un banger à son répertoire. Là, je vous vois venir. « Oui, mais Daniel Balavoine / Mario Pelchat / Luba / Garth Brooks / Les 2 frères, j’aime ça pour vrai! C’est la musique de mon enfance! » Ce n’est pas de ça que je parle. Je veux dire que tout artiste « mainstream » avec un son qui leur est propre s’est, un jour, aventuré en dehors de ce son. Liza Minnelli l’a fait; Nana Mouskouri l’a fait. (Bon, c’est souvent des reprises, mais on parle aussi d’artistes qui étaient surtout des interprètes.) Tu peux ben aimer leur musique normale pour ses qualités habituelles, ce n’est pas ça le point.
Une obsession de mes premières années de collectionneur était simplement de « trouver l’album psych » d’un tel ou une telle. Évidemment, pas tout le monde a un album psych, mais beaucoup, beaucoup plus de monde ont des albums champ-gauche que vous pensez. Saviez-vous que :
Bobby Darin a un album de folk-rock funky
Cher a fait un album soul/R & B avec les Swampers à Muscle Shoals
Joe Dassin a fait un album de reprises de Tony Joe White AVEC Tony Joe White
James Last a un album de compositions originales jazz-funk/fusion
Chubby Checker a un album psych
Pat Boone a fait une reprise de Song to a Siren de Tim Buckley
Tom Jones a fait un album de gospel/blues/garage produit par Ethan Johns
Je savais déjà que Sandie Shaw avait été culturellement réévaluée à moment donné dans sa carrière parce qu’elle a eu un succès dans les années 80 avec une reprise de Hand in Glove des Smiths sur laquelle elle est littéralement backée par les Smiths. Sandie Shaw est essentiellement exactement le type de figure culturelle qui obsède Morrissey — une chanteuse pop présentée comme une jeune ingénue au milieu des années 60s. Elle n’est pas aussi naze que Petula Clark, mettons, mais elle n’a pas non plus la swing d’une France Gall. Vers la fin de sa run de succès, en 1969, elle a sorti Reviewing the Situation, un album où elle reprend Dr. John et Bob Dylan plutôt que genre, Jacques Brel pis de la vieille chiasse de music-hall. L’album fut un flop et elle cessa de sortir des albums pendant une bonne décennie avant l’arrivée du susmentionné Morrissey.
La première toune de l’album Reviewing the Situation est Reviewing the Situation (twist) de la comédie musicale Oliver!, ce qui n’est pas exactement la première affaire qui me vient à l’esprit quand je pense « faire des covers rock pour prendre mes distances de mes racines dans la variét », mais comme de fait, c’est une version soul/R & B avec de la flûte pis des breaks de batterie et, également, les tounes dans Oliver! torchent. Il y a des choses moins intéressantes à travers, par contre. Une version funèbre de Sun in My Eyes des Bee Gees endors assez rapidement; la performance de Sandie est moins confiante dans son cover de Lay Lady Lay de Bob Dylan, à laquelle elle profère une couleur murmurée de type Claudine Longet qui ne fitte pas vraiment avec la production.
Le ton n’est pas exactement endiablé, quoique le choix de chansons crée des contrastes intéressants. Son Mama Roux de Dr. John amène le gris-gris dans des tons de soft rock, tandis que sa version langoureuse de Walking the Dog de Rufus Thomas ressemble plus à… du Dr. John! Sa version de Oh Gosh de Donovan rappelle la sunshine pop de The Free Design. L’album original se termine avec une version de Sympathy for the Devil avec un drummer qui ne cesse d’aller de plus en plus vite; en général, la batterie sur ce disque est à 11 tout le temps. La version longue disponible sur Spotify rassemble plein de singles et des gugusses supplémentaires (genre un cover de Michel Delpech) qui sonnent toutefois vraiment plus près du son classique de Sandie Shaw.
Reviewing the Situation illustre bien la différence entre les attentes et le produit final. Si ça venait d’une rockeuse reconnue de l’époque comme Janis Joplin, Lynn Carey ou Lydia Pense de Cold Blood, Reviewing the Situation serait vu comme une concession pop semi sans intérêt, et les arrangements pousseraient le hard rock dans le tapis. Le disque aurait probablement joué à la radio (une version rawk de You Keep Me Hangin’ On, sans doute) et serait inévitablement moins rare, et tout le monde s’en sacrerait comme de l’an 40. Dans le contexte, par contre, ça représente un entre-deux assez intéressant. C’est certain que ça reste plus un album pop de reprises qu’une véritable excursion dans le monde de la musique de poil, mais on ne peut pas dire que Sandie ne voulait pas.
Si vous aimez : Let’s Spend the Night Together de Claudine Longet, New Routes de Lulu, 3614 Jackson Highway de Cher, The Delta Sweete de Bobbie Gentry, Them Changes de Lionel Hampton, Hadd Mondjam El de Sarolta Zalatnay, Kites are Fun de The Free Design
Où t’as pris ça?
C’est sur Spotify; une version « expanded » a été ressortie en Angleterre pour Record Store Day il y a quelques années.
C’est-tu sur Spotify?
Vas-tu l’acheter?
Je ne pense pas débourser les prix relativement faramineux demandés pour une copie originale, mais la version de Record Store Day semble avoir fait des ventes de marde à sa sortie et des copies à rabais sont assez faciles à dénicher sur les internets, alors c’est possible.
Alkaline Trio - From Here to Infirmary
Quand je parle à mes amis nerds de musique qui n’habitaient pas en région semi-éloignée, leur parcours de ce qu’ils écoutaient au secondaire est quand même moins limité que le mien. Y’a du monde qui se ramassaient avec des CDs de noise pis du Pavement pis du Guided by Voices pis des affaires de même et moi je fais semblant que ma vie était comme ça aussi, mais véritablement, ce n’était pas ça pantoute. J’ai grandi au tout début de la période Napster — celle ou pratiquement tout était disponible pour la première fois ever —, mais vous dire que c’est là que j’ai aiguisé ma mélomanie serait tout un esti d’mensonge.
Ce n’est pas que je n’avais pas accès à de l’information sur la musique; je regardais MusiquePlus comme tout le monde et, en plus, mon père achetait régulièrement des revues de musique. J’aurais très bien pu aller télécharger du Yeah Yeah Yeahs, mais le problème, c’est que j’aurais été seul là-dedans. Une partie tout de même sous-estimée de forger ses goûts en tant qu’ado, c’est de les partager avec les autres, mais je n’aimais pas trop ce que mes amis aimaient. Il y avait essentiellement deux factions dans la petite école anglaise où j’étais : le rap (essentiellement juste Tupac, même en 2002) ou le métal. Mes amis proches (qui lisent peut-être ceci en ce moment, qui sait, en se disant « mais de quoi il parle tabarnack? ») étaient plus des métalleux, mais ils pognaient des fixations sur un groupe à la fois, ce qui veut dire que tout événement social était meublé de mur à mur de Metallica pendant des mois et des mois avant que ça devienne Iron Maiden pour un mois, etc.
Ce que je voulais, moi, c’était une niche à moi tout seul dans laquelle je me sentais représenté. J’ai ben honte de le dire, mais je voulais arriver avec un band/un disque/une toune et que les gens me trouvent cool d’avoir découvert ça… sauf que ça n’arrivait pas vraiment. Le monde se crissait ben de la musique que j’écoutais, et mes tentatives d’introduire de la musique dans les partys se sont soldées par une seule acceptation : Legend de Bob Marley. Grosso modo, j’écoutais du pop-punk et du skate-punk que je découvrais essentiellement en checkant les t-shirts des frères de mes amis, punknews.org et/ou 1 — 2 — 3 Punk! No Use For A Name, Strung Out, NOFX, Less Than Jake, Anti-Flag, Goldfinger, Blink 182 et ainsi de suite, mais aussi le penchant « ti-braillard-avec-des-longs-shorts » représenté par New Found Glory, Yellowcard, Jimmy Eat World et ainsi de suite.
Ce sont des bands parfaits pour sentir que tu fais de la marde tout en étant pas pantoute un brasseux de marde et/ou pour te sentir triste d’être ignoré par une fille à qui tu n’es même pas capable de parler en dehors de l’Internet de toute façon. À travers tout ça, par contre, il y avait un band qui semblait être à moi — que les gens écoutaient apparemment juste parce que je leur en avais parlé. Alkaline Trio.
Bon, maintenant, il y a ben du monde qui connaît Alkaline Trio parce que Matt Skiba a fait partie de Blink-182 pendant que l’autre est parti à la chasse aux aliens. Et sur punknews.org à l’époque, les gens étaient complètement cocobongo pour AK3, mais au Saguenay, le monde s’en crissaient pas mal. La première chanson que j’ai entendue d’eux était Radio, qui ne vient même pas de l’album dont il est question aujourd’hui, et que j’avais pognée sur Audiogalaxy, un site de partage de musique qui était vraiment plus chiant à utiliser que Napster, mais qui avait la particularité de se séparer par styles et genres et offrait donc une certaine curation. From Here To Infirmary était le plus récent album à paraître et celui que j’ai usé à la corde; à ce jour, je connais encore chaque parole de chaque chanson par cœur.
La formule est assez simple : du punk à trois accords, deux chanteurs avec des voix un peu dures à différencier quand tu n’es pas trop familier, des paroles sur la tristesse et l’alcoolisme, la misère et le désespoir. Alkaline Trio a toujours eu un penchant gothique à leur musique — genre, ça a toujours été clair qu’ils n’aiment pas juste les trois premiers disques des Damned — et il n’était pas tout à fait en floraison ici. (Mine de rien, je suis pas mal certain que c’est à travers Alkaline Trio que j’ai entendu parler pour la première fois consciemment d’Ani diFranco, The Cars, The Cure1, The Sisters of Mercy et TSOL.)
Plus tard, ils allaient aller full-on maquillage, complets pinstripe et cravates rouge vin (et métaphores de vampire douteux poussées un peu trop loin), mais ici ils sont encore des petits cons (ils ont 24 — 25 ans, ce qui me semblait une maturité inatteignable quand j’en avais 14 — 15) de Chicago qui sont obsédés par être saoul, se faire laisser, la mort, la pourriture, l’automutilation, etc. Contrairement au métal qui parlait des mêmes affaires, Alkaline Trio ne me semblait avoir une posture de se trouver cool — je les trouvais honnêtes et extrêmement adultes.
Maintenant que je suis un adulte depuis un certain moment (certains pourraient débattre la position contraire), je trouve ça un peu puéril d’aligner les trois mêmes powerchords pour dire « in case you’re wondering I’m singing about growing and giving in » et parler de se réveiller triste la face dans son vomi, mais je trouve encore From Here To Eternity extrêmement potable en son genre. J’ai un peu passé l’âge de devoir écouter de la musique qui parle de ma vie ou de comment je perçois ma vie, mais chaque toune est un esti de banger et on y trouve quand même des choses qui n’étaient pas communément retrouvées dans le pop punk de l’époque comme un solo de batterie (unique argument quand j’essayais d’intéresser mes amis métalleux à ce band) et des influences qui ne sont pas juste d’autres bands qui sonnent pareil comme ça.
Pour le meilleur ou pour le pire, ceci est l’un des rares albums qui a réellement affecté comment j’ai vécu ma vie, comment je me suis fait des amis (en portant un t-shirt d’Alkaline Trio, possiblement acheté au défunt Labyrinthe, au CÉGEP) et peut-être, pendant un moment, modelé mes choix douteux quand vient le temps d’avoir des problèmes de nature sentimentale et de trop boire (des fois en même temps, mais, heureusement, pas toujours). Je suis même allé à Chicago un peu pour passer devant des places mentionnées dans des tounes d’Alkaline Trio. Pour moi, la première partie de la carrière d’Alkaline Trio est à ranger aux côtés de Jawbreaker comme étant le meilleur du pop punk. Ça n’a pas incroyablement bien vieilli, mais moi non plus.
Si vous aimez : Dear You de Jawbreaker, No Division de Hot Water Music, Floodland de The Sisters of Mercy, The Black Album de The Damned, Born to Quit des Smoking Popes
Où t’as pris ça?
Ah ha! Hé bien, j’ai déjà eu une copie de ce disque que j’ai acheté d’un distributeur quelconque (Asian Man? No Idea?) à l’époque ou ça coûtait genre 9 $ acheter un LP. Malheureusement, ou pas, je l’ai vendu à moment donné quand il était out of print et je voulais de l’argent de lousse pour acheter, genre, du jazz ou quelque chose du genre. Je le regrette peut-être un peu, mais en même temps, je l’ai tellement écouté ce disque-là que je n’ai pas vraiment besoin d’en avoir une copie. Il joue dans ma tête si je me force un peu.
C’est-tu sur Spotify?
Vas-tu le racheter?
Ça me rappelle l’anecdote de Henry Rollins qui vend tous ses disques de Fleetwood Mac et des Scorpions quand il découvre le punk avant de se rendre compte, plusieurs années plus tard, que finalement, c’est bon… et qu’il retourne les racheter.
Cette anecdote est potentiellement aussi formatrice pour moi que From Here to Infirmary l’a été en 2001.
C’est certain que j’avais déjà entendu du Cure dans la vie, là, mais c’est la première fois que j’étais conscient que ce que j’entendais - une reprise de Exploding Boy - était du Cure.