Tout ce que j'écoute 23/8/2023
J'ai ressenti de la nostalgie brièvement pis maudit que j'ai détesté ça
Akiko Yano - Japanese Girl
Je parle souvent de musique japonaise ici et j’écoute souvent de la musique japonaise ; un jour, on va surement parler de comment j’ai embarqué dans ce trip-là (et je vous assure que ça n’a rien à voir avec l’anime, les mangas ou autres passe-temps de weeb, quoiqu’inévitablement je ne vois pas comment cela m’exclut véritablement d’être un weeb, mais je reste toutefois assez convaincu de ne pas en être un), mais ça ne sera pas pour aujourd’hui. Une chose est certaine : ce n’est pas évident de comprendre les rouages de l’industrie musicale japonaise en ne parlant pas japonais. La manière la plus facile pour moi de patauger là-dedans et d’y comprendre quelque chose, c’est de trouver un artiste occidental comparable et partir de là.
Dans cette mesure, Akiko Yano est la Kate Bush japonaise.
Mais ce serait quand même réducteur pour les talents respectifs de Yano et Bush d’en rester là. Comme Kate Bush, Akiko Yano a commencé très, très jeune dans l’industrie et, comme Kate Bush, elle s’est rapidement défaite des impositions masculines de l’industrie pour runner sa propre carrière et sa propre image. Comme Kate Bush, elle écrit toutes ses chansons et joue un rôle de production sur tous ses albums. Elle a sensiblement le même « range » vocal que Kate Bush et leurs sons respectifs se croisent parfois, mais leurs carrières ne sont pas exactement parallèles. (C’est assez évident que Kate Bush était au courant de l’œuvre de Yano ; la pochette japonaise de son simple Symphony in Blue est un hommage direct à un album de Yano, quoique pas celui dont il est question en ce moment, et la pochette de celui-là torche tellement qu’elle mérite son propre Tout ce que j’écoute.)
Ayant décroché du secondaire à 15 ans, Akiko Yano est d’abord connue comme pianiste de jazz ; elle n’a que 19 ans quand elle contribue du piano électrique au premier album de la formation Tin Pan Alley, le groupe transitoire de Haruomi Hosono entre Happy End et YMO. Elle signe son premier album en 1976, un ramassis de performances live et jazzées qui est sensiblement ignoré de tous et ne figure même pas sur son Wikipédia à l’heure qu’il est. (J’en possède une copie, évidemment, on y reviendra peut-être un jour.) Japanese Girl est donc considéré son premier album, enregistré à moitié en Amérique et à moitié au Japon.
La face A, celle enregistrée à Los Angeles, place Akiko Yano avec les musiciens de Little Feat, groupe de funk/soul/rock swampeux qui était en train de devenir l’un des architectes du son yacht rock (sans toutefois pouvoir en profiter, leur leader Lowell George est mort en 1979) ; sur la face B, ils sont plutôt remplacés par le groupe japonais Moon Riders, qui ont un son new wave/art rock beaucoup moins rootsy que Little Feat. La légende dit que le changement est arrivé quand les musiciens américains se sont révélés incapables de rendre les arrangements complexes ancrés dans la musique traditionnelle japonaise, mais ceci me semble un brin comme une légende urbaine. Lowell George joue du shakuhachi1 sur la deuxième toune !
Il ne serait donc pas complètement fou de placer Japanese Girl comme une pierre fondamentale du son city pop2, mais je crois que c’est quand même un raccourci facile. Akiko Yano est quand même plus chill et moins théâtrale que Kate Bush et les arrangements sont tout aussi relaxes ; on s’apparente plus à Bush backée par The Band. Le son est assez organique ; on y entend des guitares pedal steel, des percussions à main et beaucoup d’instruments traditionnels japonais à travers le son swampeux et rootsy. C’est pas (encore) feutré et futuriste ; c’est funky et relax et toujours un peu imprévisible. Le texte qui accompagne la réédition de Japanese Girl par We Want Sounds parle beaucoup de l’importance de ce disque, ce qui pourrait faire sourciller à première vue considérant que le funk vaudou et la musique traditionnelle japonaise ne sont pas nécessairement le beurre de pinotte et chocolat de la musique, mais les sons R&B de La Nouvelle-Orléans sont devenus partie intégrante de beaucoup de musique populaire au Japon après le succès de Japanese Girl3.
La face B — celle contenant des tounes tellement complexes que les membres de Little Feat auraient remboursé une partie de leur cachet — met peut-être en vedette un groupe beaucoup moins funky, mais il n’est pas moins intéressant pour autant. Avec des moyens de production plus grandiloquents (des cordes, par exemple), Yano peut mettre plus d’emphase sur les aspects traditionnels de ses compositions sans pour autant les édulcorer ou les dénaturer. Évidemment que la version japonaise de Mes Aïeux existe, mais c’est pas ici qu’on va la trouver.
À partir de 1978, Yano allait prendre plus de place dans le rôle de productrice de son stock ; quoiqu’elle allait quand même travailler avec des coproducteurs à l’occasion (spécifiquement Ryuichi Sakamoto, qui allait devenir son mari), son œuvre ne s’est jamais vraiment commercialisée au fil du temps. C’est quand même toujours un peu weird et champ gauche, même au plus profond de la période drums-boostés de la musique pop 80s. (Bon, il y a un album avec Pat Metheny que je n’ai pas entendu, mais, comme j’ai dit l’autre fois, pas mal tout le monde qui semble naze a au moins une affaire qui vaut la peine dans sa discographie.) En 1990, elle déménage à New York et alterne les albums pop et les compositions plus jazz/classique, notamment pour des bandes sonores de films. Elle a sorti quelque chose cette année, même !
Si vous aimez : Thanks, I’ll Eat It Here de Lowell George, Feats Don’t Fail Me Now de Little Feat, Harry & Mac de Haruomi Hosono et Makoto Kubota, Dixie Fever de Makoto Kubota and the Sunset Gang, Modern Music de Moon Riders, Sneakin’ Sally Through the Alley de Robert Palmer, Never For Ever de Kate Bush, The Master de Chico Hamilton, Ton-Ton Macoute! de Johnny Jenkins, Million Stars de Haruko
Où t’as pris ça?
Record City Japan qui livre toujours la marchandise — littéralement — en trois jours ouvrables.
C’est-tu sur Spotify?
Non, malheureusement. C’est sur YouTube, par contre, et vous pouvez aussi aller écouter les albums plus récents d’Akiko Yano sur Spotify. Jusqu’à maintenant, je ne suis jamais tombé sur quelque chose d’Akiko Yano qui ne valait pas l’écoute.
Vas-tu l’garder?
Quand le remake japonais de Stranger Things va sortir4, ça va valoir son pesant d’or !
Chilliwack — Chilliwack
Il n’y aurait pas grand groupe qui représenterait mieux le concept du rock de poil canadien que Chilliwack si ce n’était du fait que le rock de poil était une industrie foisonnante coast-to-coast dans les années 70. Entre Rush, April Wine, Crowbar, Shooter, Triumph, Trooper, Teaze, Wireless, Kick Axe, Mahogany Rush, Saga, Max Webster, Prism, Moxy, Streetheart et les centaines d’autres, c’est un peu difficile de se retrouver dans le choogle du ROC ; de manière prévisible, je n’avais jamais vraiment pensé prêter une attention particulière à Chilliwack dans le lot avant de voir leur album double éponyme de 1970 (il y a aussi un album simple éponyme de la même année, pour simplifier les choses) sur une liste quelconque de musique expérimentale canadienne.
Ce groupe de poilus à l’esthétique CHOM-FM — sur A & M Records, de surcroît — qui font de la musique expérimentale ?
C’est vrai pis pas. Chilliwack étant un double album, le premier disque est pas mal dans les attentes d’un groupe de rock de 1971 ; du rock-blues-boogie de flûte, comme du Jethro Tull moins médiéval ou du BullAngus qui bûche moins. C’est un peu prog aussi, mais tout de même assez commercial et accessible. Le plus près de quelque chose de réellement psychédélique ou expérimental sur le premier disque, c’est la dernière chanson, Changing Reels, qui dure 13 minutes et est essentiellement une espèce de bande de Moebius musicale qui mêle des bribes de tounes en une longue toune qui revient toujours sur elle-même… et qui sonne toutefois pas mal comme du Chilliwack. C’est assez plaisant, quoique peu original ; dans le style steak-patates-choogle (qui n’est pas mon style préféré, je dois dire), il y a pire. Une chose est certaine : il n’y a rien d’expérimental là-dedans.
Ce qui est véritablement expérimental, c’est le deuxième disque, qui s’avère être essentiellement un album entier de musique ambiante/concrète qui sonne à la fois avant-gardiste et comme 4 gars sur le buvard qui rotent dans des micros dans un studio qui coûte 5000 $ par jour à leur label. Ce n’est pas trop compliqué — la piste qui se nomme Claps/Chants, par exemple, est exactement ça. Du tapage de mains plein d’échos, monté de manière à créer une espèce de polyrythmie ; ça sonne aussi exactement comme des gens qui jouent au basket dans un gymnase à une certaine distance. Après une minute, un dude commence à « lyrer », comme dirait mon père, et ça aussi ça commence à être manipulé afin de créer une polyrythmie. Il y a une piste entière de chants vaguement grégoriens, une piste de flûte, une piste de chants agrémentés de flûtes (tout est bon dans l’cochon) et ainsi de suite. Les deux dernières pistes sont plus proches d’être de la musique ambiante avec des instruments, quelque chose qui s’apparente, mettons, aux œuvres les plus minimalistes du krautrock ou du proto-new age comme Paul Horn ou Syrinx.
Je ne suis pas capable de trouver quelconque explication concrète pour justifier l’inclusion de tout cela sur un album qui ne laisse aucunement présager la présence de musique concrète/ambiante/whatever. Y’a rien d’autre dans l’œuvre de Chilliwack ou de ses membres qui suggère que ceci était un intérêt prononcé outre le fait qu’ils sont apparemment sur l’album Mass in F Minor des Electric Prunes qui est également une tentative de marier le rock psychédélique et les chants grégoriens. Le reste de l’œuvre de Chilliwack se situe profondément dans le choogle, et y’a pas un membre de la patente qui a tenté de se rapprocher de ça sauf, peut-être, une piste sur l’unique album solo du flûtiste Claire Lawrence5 qui est toutefois plus un hommage à John Coltrane qu’autre chose.
Il n’y a rien non plus dans le parcours de Chilliwack qui suggère que leur label leur donnerait un chèque en blanc comme ça. Les parutions expérimentales et/ou boutades pas claires comme ça n’étaient pas nécessairement du jamais vu dans l’ère psychédélique, mais c’était souvent des groupes qui avaient eu un succès monstre ou inattendu, forçant l’étiquette à les laisser faire ce qu’ils veulent dans l’espoir de capturer la même essence. Sauf que Chilliwack était juste un groupe né des cendres de The Collectors, succès d’estime de l’ère psychédélique qui se démarque surtout en n’étant pas tant psychédélique que ça, finalement. (Il faudrait peut-être que je réécoute, mais il me semble que la pochette est beaucoup plus hallucinante que la musique qu’elle contient.) Bref, tout ceci est très mystérieux.
L’affaire avec la musique expérimentale et d’avant-garde, c’est que l’intention se perd rapidement ; si tu fais ça de manière espiègle, mais il y a juste un enregistrement qui reste, ça risque de sonner pas mal pareil que quand les musiciens prennent ça hyper au sérieux. L’autre affaire, c’est que c’est parfois impossible de faire la différence en termes de qualité. Le deuxième disque du deuxième album de Chilliwack est-il composé de bonne musique ambiante/concrète/expérimentale ? Pas vraiment. Est-ce que c’est intéressant que ce groupe tout ce qu’il y a de plus mainstream a sorti ça sur une étiquette majeure pour aucune câlisse de raison concevable ? Oui. On ne peut pas vraiment parler de pionniers dans le genre ; après tout, John Lennon a sorti les deux Unfinished Music et son Wedding Album dans les deux années précédentes, et il y a probablement beaucoup plus de gens médusés qui ont été exposés à ça qu’avec le disque de Chilliwack.
L’album Chilliwack (et, dans une certaine mesure, le band Chilliwack) est donc plus une note de bas de page intéressante qu’un album véritablement marquant pour moi. Je suis coupable de garder des albums étranges/champ-gauche de certains artistes presque entièrement dans le but de les faire jouer quand quelqu’un est chez nous et attendre qu’ils me demandent ce que c’est pour essayer de leur blower la cervelle. J’imagine mal inviter quelqu’un chez nous pis leur faire jouer 8 minutes de tapage dans les mains en disant « Devine ! Devine ! » Chilliwack le groupe est pas assez reconnaissable et Chilliwack l’album pas assez incroyablement surprenant pour faire ça, mais au moins, il me donne quelque chose à rentrer dans mon infolettre.
Si vous aimez : Thick as a Brick de Jethro Tull, BullAngus de BullAngus, Inside de Paul Horn, Phaedra de Tangerine Dream, Affenstunde de Popol Vuh, Music For Airports de Brian Eno, Ummagumma de Pink Floyd, mais aussi plein de bands dont on se sacre de la même époque comme Poco.
Où t’as pris ça ?
Je suis pas mal certain de l’avoir pogné chez Death of Vinyl à une époque révolue où je passais devant 4 fois par jour pour aller travailler.
C’est-tu sur Spotify ?
Vas-tu l’garder ?
Pour la première fois depuis le début de cette infolettre, NON. Après mûre réflexion, je crois bien que je vais retourner Chilliwack au pâturage. J’ai du choogle canadien et de la musique fuckée de moine que je peux écouter à sa place, maintenant.
Janelle Monáe —The Age of Pleasure
Comme tout le monde, j’ai découvert Janelle Monáe alors qu’elle présentait une personnalité futuriste d’androïde au début des années 2010 avec ses albums The ArchAndroid et The Electric Lady, du funk/soul afrofuturiste aux vibes Parliament-Funkadelic, Prince et ainsi de suite. Son monde était ultra-recherché, weird et singulier, et donc le véritable mégasuccès pop n’a jamais été complètement à sa portée. Elle a fait des films, d’autres albums et j’ai un peu arrêté de suivre ce qu’elle faisait avant la sortie, plus tôt cette année, de son nouvel album The Age of Pleasure. Plus spécifiquement, j’ai été interpellé par sa mise en marché et ses vibes.
Exit l’androïde, le sci-fi, l’afrofuturisme et tout le tralala; la Janelle Monáe de 2023 se présente nu-seins6 le plus possible et prône le plaisir et la sensualité. Elle n’a plus de suit de robot (elle en a plus depuis un moment, quand même) et l’esthétique générale est plus « piscine sur le top d’un hôtel » qu’avant. Le son, quoique varié, incorpore beaucoup plus de pop accessible et de hip-hop que ses deux premiers. (Il y en a aussi un autre que je n’ai jamais écouté, Dirty Computer. Rien à dire sur celui-là pour le moment.)
D’abord, je voudrais mettre quelque chose au clair : elle peut ben faire ce qu’elle veut. Je ne suis pas là pour dire au monde ce qu’ils devraient faire avec leur corps, leur musique, leur droit de parole et ainsi de suite. Je dois admettre, par contre, que c’est un peu une trajectoire à l’envers dans le monde de la musique populaire. Dans l’histoire de la musique, on a beaucoup plus assisté à des artistes qui se disent « je suis tannée de montrer de la peau, je suis une androïde maintenant » que le contraire. Ça en dit sans doute beaucoup sur nos perceptions des artistes pop féminines qu’on n’associe jamais la sexualité et la sensualité avec une démarche artistique sérieuse; c’est toujours le niveau 1 de la mise en marché, la chose poche et patriarcale qu’elles doivent toutes faire pour être acceptées7.
Visiblement, Janelle Monáe veut faire autre chose. Comme le suggère le titre, The Age of Pleasure est un éloge au plaisir charnel, mais pas un album de slow-jams érotiques pour autant. Il est beaucoup plus question de frenchage que de fourrage sur ce disque; même quand Monae prend une posture agressive (sur Champagne Shit, par exemple, ou elle scande Don't ask me shit about work / 'Cause I'm on my champagne shit/I'm talkin' high heels and no shirts / “Cause I'm on my champagne shit), c’est pour demander des frenchs. L’approche “en personnage” de Monáe sur The Age of Pleasure est, en surface, plus similaire à des artistes comme Nicki Minaj ou Megan Thee Stallion, mais ça ne veut pas dire que la musique est rendue 100% des beats de trap et de la musique de pharmacie.
Les caméos musicaux sont assez recherchés. Sur deux pistes, elle est appuyée par nul autre que Seun Kuti, le fils du légendaire pionnier de l’afrobeat Fela Kuti; sur une autre, on a droit à un caméo de la musicienne de reggae Sister Nancy, pionnière du toasting dancehall8 qui amène encore plus de summer vibes à un disque pratiquement déjà saturé des dites vibes. Grace Jones poppe une couple de fois pour parler en français ! Tout cela est assez jovial et surtout assez chaleureux; dans un monde qui assume que le feel-good doit forcément être formaté le plus possible, ça fait du bien.
Vous lisez sans doute Tout ce que j’écoute depuis quelques semaines en vous disant “man, ce gars est un esti de snob, aucune chance qu’il bump de la musique où le chorus est “A bitch look good / A bitch look haute / A bitch look pretty/ A bitch look handsome / I'm feelin' so sexy, mmm / I'm feelin' so sexy, mmm” dans sa vie de tous les jours, il écoute des vieux autrichiens qui pètent et tapochent un glockenspiel miké” et je suis ici pour vous dire que vous avez TORT.
Si vous aimez : Bon, je vais avouer que même si je déjoue vos idées préconçues en aimant ça, je n’écoute pas beaucoup de musique qui sonne comme The Age of Pleasure.
Où t’as pris ça ?
Sur Spotify !
C’est-tu sur Spotify ?
Vas-tu l’acheter ?
Probablement. Il faudrait juste que je tombe dessus un de ces jours.
Belle & Sebastian — Push Barman To Open Old Wounds
J’ai 36 ans. Je ne sais pas quel âge vous avez, mais quand vous avez 36 ans et que vous avez fait vos études à Montréal, il y a environ 99 % de chances que vous êtes déjà allé chez quelqu’un que vous connaissez qui habitait sur une rue parallèle à Saint-Laurent (Clark, Saint-Urbain, Saint-Dominique, Coloniale) et que vous avez bu du vin de dépanneur dans un pot Masson. Vous étiez probablement assis par terre, parce que personne n’avait calculé assez de chaises pour le nombre de gens présents, et il y avait de la musique qui jouait d’un laptop Apple blanc couvert de vieux duct tape pour faire tenir le chargeur convenablement. Vous avez demandé « qu’est-ce qui joue ? » à votre hôte (souvent une fille intimidante qui travaillait au American Apparel ou dans un bar de marde cool comme le Miami ou le Blizzarts, I guess) et elle vous a toujours dit « Belle & Sebastian ».
Si vous avez 36 ans et que vous avez fait vos études à Montréal, je suspecte que vous écoutiez de la musique genre Alkaline Trio (tel qu’expliqué dans un Tout ce que j’écoute précédent) et que, pour vous, Belle & Sebastian, ça ne voulait rien dire. Vous vous disiez « faudrait ben que j’écoute ça un jour » parce que ces filles-là sortaient avec des gars plus vieux avec des pantalons très serrés (qui se sont parfois avérés être des prédateurs sexuels, évidemment) et probablement que ces gars-là écoutaient du Belle & Sebastian. Vous avez donc mis ça dans votre petite poche de jeans avant dans laquelle on met habituellement une montre sur un cordon et vous n’y avez jamais repensé.
Si vous avez 36 ans et que vous avez fait vos études à Montréal, y’a des chances que plus tard, vous avez habité avec une blonde pour la première fois et, telle est la coutume, elle habitait sur une rue transversale de l’Avenue du Parc et travaillais dans un bar de marde du Mile-End et dans ses genres de 15 - 20 vinyles, il y avait une compil de Belle & Sebastian. C’est maintenant vous qui aviez des pantalons très serrés et une obsession avec Bruce Springsteen. Cette compil s’est faufilée parmi votre collection, mais si elle a déjà joué dans les deux apparts que vous avez partagés avec la compil et sa propriétaire, vous n’en avez jamais eu connaissance. Cette compil-là habite maintenant dans un autre appart, dans lequel vous n’habitez pas. Vous n’avez pas plus d’idée comment ça sonne, Belle and Sebastian.
Si vous avez 36 ans et que vous avez fait vos études à Montréal, il est possible que vous alliez au magasin de disques le vendredi soir pour chiller avec des gens et parler de disques un peu comme vous le faites dans votre infolettre Substack. Il est fort possible qu’il y ait été question de Belle & Sebastian l’un de ces vendredis soirs et que vous vous soyez dit « ah, ben oui, ça fait presque 20 ans que je me dis que je devrais écouter ça ». Donc vous êtes retournés la semaine d’après à votre job de bureau au centre-ville dans un bureau dans lequel vous êtes chanceux de voir deux personnes différentes dans une même journée9 et Spotify vous a dit d’écouter Push Barman To Open Old Wounds, la même compil qui a traîné pendant des années entre William Bell et Jorge Ben sur votre étagère sans se rendre à vos oreilles.
Si vous avez 36 ans et que vous avez fait vos études à Montréal, que vous avez chillé avec des filles qui portaient toujours des grosses tuques pis des collants en lamé or peu importe la température, que vous avez passé une partie de l’hiver en Converse troués, que vous vous rappelez quand il y avait des spectacles au Musée Juste Pour Rire, que vous aviez des amis que leur job était de cold-caller les bands pour le festival Emergenza dans un local crade par-dessus le Desjardins sur la Main, que vous avez mangé au Dusty’s le samedi matin en prononçant mal votre choix de toast (challah), que votre première date avec votre première blonde10 était au Divan Orange, que vous vous demandez comment c’est possible vous rentriez dans des t-shirts de cette grandeur-là quand ce n’est pas comme si vous mesuriez un pied de moins dans l’temps, que certaines des personnes chez qui vous êtes allés boire du Nicolas Laloux dans un pot Masson sont mortes maintenant, il est fort possible que vous vous disiez que, finalement, 2023, c’est un peu trop tard pour devenir fan de Belle & Sebastian.
Si vous avez 36 ans et que vous avez fait vos études à Montréal, ça se peut aussi que cette expérience-là ne soit pas aussi universelle que je le pense.
Si vous aimez : 69 Love Songs des Magnetic Fields, Illinois de Sufjan Stevens, le truc mauve et vert d’Animal Collective, Yankee Hotel Foxtrot de Wilco, Give Up de The Postal Service, Let’s Get Out Of This Country de Camera Obscura, Volume 1 de She and Him, Parc Avenue de Plants and Animals, M. Ward, Arcade Fire, l’album de reprises de Tom Waits de Scarlett Johansson, Regina Spektor, le disque de Roky Erickson avec Okkervil River, the Fiery Furnaces? Je ne sais pas, je fais juste lister des affaires que les gens qui n’étaient pas moi écoutaient dans ce temps-là.
Où t’as pris ca ?
Sur Spotify.
C’est-tu sur Spotify ?
Vas-tu l’acheter ?
Demandez-moi ça en 2033.
Flûte traditionnelle japonaise, exactement celle que vous entendez dans votre tête quand vous pensez à ça
Musique pop japonaise des années 80 qui mélange le folk, le jazz et la pop; pour plus d’informations, essayez de trouver mon épisode de Chacun son chanson avant que ce soit disparu à jamais!
Voir l’annexe “Si vous aimez”
J’ai pas de scoop, ceci ne risque jamais d’arriver
C’est un dude nommé Claire, pas une coquille, mais n’ayez crainte, le franglais mal maîtrisé est partout
D’ailleurs, j’ai été obligé de vous mettre la pochette “censurée” du vinyle parce que ses mamelons sont en évidence sur la vraie pochette et je ne suis pas certain que Substack est une plateforme pro-mamelons. Ceci dit, le “gatefold” du vinyle affiche un extrême gros-plan de sa poitrine. No one leaves here nip-free.
Bien le bonjour à l’auditeur de mon podcast qui trouve que j’ai des positions progressistes cringe.
Aujourd’hui, j’ai toujours juste vu le même dude à toutes les fois que je suis allé aux toilettes. Il faisait caca.
Pas la même que celle avec le Belle & Sebastian en vinyle, si vous suivez à la maison
J'ai eu une grosse réaction physique en lisant ton passage sur Belle et Sebastian parce que j'ai été la fille en collants.